La Légion des Spectres
Leur rôle
La Légion, entité salvatrice pour les uns, envoyée de l’obscurantisme pour d’autres, porte-étendard des directives de la Voix, est le véritable outil opérationnel des archontes. Ces forces spéciales de l’ombre, sans visages car toujours masqués en opération, ont été créées à l’origine pour enrayer la surpopulation en traquant et en éliminant tous les enfants issus de grossesses non déclarées. Peu à peu, le rôle des Spectres évolua pour à terme devenir la main armée de l’État dans son combat contre la déchéance de Pax Europa. La Légion est toujours envoyée afin de débusquer des enfants illégaux pour les destiner aux internats qui les formeront comme futurs Spectres ; elle est également devenue la force de frappe indispensable à l’encontre du chaos des bas-fonds, et ils sont les seuls représentants du gouvernement à pouvoir y mettre les pieds sans être lynchés en quelques minutes.
La peur que la Légion inspire n’a d’égale que la cruauté calculée et le caractère impitoyable de ses spectres orphelins, enfants de l’hérésie devant à tout prix racheter la faute impie de leurs parents. Chargés de faire respecter les accords passés entre les chefs de la pègre et les corporations toutes-puissantes, d’éliminer toute menace à l’encontre de la politique de Pax Europa, de rappeler fréquemment ce qu’il en coute de ne pas observer les directives sociales et financières des entreprises, les Spectres, dont les citoyens ignorent le nombre exact, représentent le cerbère le plus féroce de la gigapole.
Organisation
La Légion est formée de petits groupes bien précis et immuables de dix Spectres, nommés Décuries et issus des mêmes groupes établis par l’Internat. Formés ensemble depuis leur plus jeune âge, ces maillons sont une seule chaîne qu’il vaut mieux ne pas briser, au risque de s’attirer la fureur de toute la Décurie. A sa tête, un chef de décurie appelé Spectre 1 et choisi entre ses pairs au terme de l’Internat. Les membres d’une décurie ne se séparent jamais et n’abandonnent pas un de leurs Spectres derrière eux. La mort plutôt que le déshonneur, et si possible en emportant le plus de pourritures avec eux.
Un tribun contrôle cent Décuries, pour leur assigner leurs missions, et les gérer d’un point de vue administratif et judiciaire. On n’admet pas de bévue à la Légion, mais en contrepartie on offre des avantages fiscaux et de logements aux Spectres. Dans les médias, il est déjà apparu six tribuns, mais difficile de savoir s’il y en a davantage ou non ; dans tous les cas cela porte déjà à un nombre impressionnant de Spectres. Enfin, à la tête de la Légion, deux phylarques se partagent le commandement, forcément issus des rangs pour en comprendre le fonctionnement et surtout, les véritables épreuves vécues tant à l’Internat que sur le terrain.
Devenir Spectre
Contrairement à l’armée, qui bien que favorisant le recrutement des personnes certifiées conformes aux quotas de l’État, accepte toujours l’engagement des volontaires, la Légion n’accepte pas n’importe qui. Elle n’accepte même personne en dehors des enfants formés à l’Internat. Il s’agit des enfants illégaux débusqués par la Légion, à la condition d’avoir alors moins de cinq ans. Les plus vieux… disparaissent purement et simplement des écrans radars, condamnés à mort ou exilés, nul ne le sait. Bébés et nourrissons sont confiés à des éducateurs spéciaux jusqu’à leurs trois ans, pour leur rabâcher sans cesse qu’ils sont issus d’une faute impardonnable, que leurs parents sont des personnes mauvaises. Pour effacer tout souvenir de ceux-ci, un numéro leur est attribué pour remplacer leur prénom qu’il leur est interdit d’employer et même de prononcer.
Par la suite, les enfants sont dispersés en dortoirs de cent (qui ne sont pas mixtes), et ne sont jamais mis en contact avec le monde extérieur, ne le voient autrement que par des films ou des holo-images (pas de fenêtres dans les locaux de l’Internat, il s’agit en réalité d’un bunker sous Central Point). On les élève dans le mépris du genre humain qui succombe à ses pulsions et ses besoins, et surtout dans la haine de leurs parents et d’eux-mêmes, rejetons d’un crime à qui l’État accorde pourtant une seconde chance s’ils réussissent leurs examens d’années en années. Leur éducation scolaire est similaire à celle des écoles des plus hautes tours, à ceci près qu’on y ajoute au fur et à mesure un rude entrainement physique et que la discipline y est de fer, orchestrée par des éducateurs masqués. Les loisirs se limitent une fois par semaine à une séance de cinéma, et toute critique de la pensée unique qu’on leur inculque est violemment réprimandée. La délation est encouragée, les règlements de compte, savamment orchestrés, pour entretenir un climat de peur et de méfiance constante. La cruauté et la violence des plus grands envers les plus jeune est tolérée et même encouragée. On veut éliminer les plus faibles et forcer les autres à s’endurcir.
Les futures décuries doivent se conformer à la bien-pensance pour réussir à travailler ensemble et remporter les examens de groupes. L’Internat est loin d’être une sinécure et la pire punition est celle de la Crypte. Peu y vont et encore moins en reviennent. Les enfants sont purement et simplement enfermés dans un cercueil à leur taille pendant des heures, voire des jours, avec tout juste assez d’oxygène s’ils ne succombent pas à la panique. Mais, s’ils survivent jusqu’à leurs 18 ans et réussissent à passer leur examen final – où un seul essai est permis – alors ils peuvent devenir des Spectres, s’attribuer leur propre nom en guise de nouvelle identité et quitter cet enfer, pour découvrir celui du monde réel.
Mode de vie
Les Spectres sont les prisonniers de leur conditionnement, embrigadement intellectuel qu’ils ont subi depuis l’enfance. Leur état-civil est inexistant, absent dès leur naissance pour les enfants illégaux, effacé dès qu’on les déclare comme tels, pour les familles à qui on peut retirer subitement le droit d’avoir eu un second enfant. On les croit morts, et ils le sont au fond de leur âme. Leur identité, c’est leur numéro de l’Internat, et leur nom n’est qu’une façon de paraître presque comme les autres, aux yeux de la société. Dégoutés par l’espèce humaine, ils ne sont eux-mêmes, au fond, que bestialité et violence déchainée envers les ennemis de l’État, qu’ils contrôlent à grand peine à coup de cachets et de pilule du bonheur en dehors de leurs heures de travail.
Officiellement, on leur interdit toute relation charnelle et surtout amoureuse, pour les empêcher de s’attacher et d’échapper au contrôle mental qu’ils subissent, si bien que la population les croit châtrés définitivement. Les femmes sont effectivement stérilisées pour éviter toute grossesse gênante. En réalité, il existe des maisons closes accueillant uniquement des Spectres, ceux qui se refusent encore à la pilule de sérénité. Des taudis loin des regards, emplis de femmes et d’hommes objets régulièrement remplacés et où le silence est de mise.
De même, on les enjoint à rester entre eux pour leurs loisirs, car après tout, qui est mieux placé pour comprendre un Spectre qu’un autre Spectre ? Officiellement on ne souhaite pas les faire consommer les mêmes idioties que les autres mais la transgression implicite des interdits est une bonne chose pour se sentir vivre, quand on possède une psyché plus percée qu’une passoire. Et surtout, la consommation est toujours excellente pour l’économie et les Archontes.