Personne ne voudrait être à la place des pauvres des bas-fonds, de laisser pour comptes, des malades, des handicapés. Personne ne voudrait être à place des spectres. Mais à bien y réfléchir, personne ne voudrait aussi, être à la place de Dyvan Welch. Deux lignées, l'une connut pour avoir la main sur les plus grandes richesses de Pax-europa, l'autre sur le déclin, sujet à l'endettement. Voilà comment une banquière renommée rencontre un patricien en pleine banqueroute et qui n'a que pour lui, ses idées révolutionnaires. Croyez-le, il en faut énormément pour ravir le cœur d'une Wagner et pire encore quand il s'agit de Sophia Wagner. Pourtant, Dérellion Welch y est parvenu, certain vous diront que son côté bel homme y a été pour quelque chose, d'autres vous diront que sa bonté et son humanité ont réussi à avoir raison de cette femme au cœur de pierre. Qu'importent les raisons, il y est parvenue, écrasant tous ceux qui tentaient d'en faire de même. Finalement, la question n'est pas de savoir comment ni même pourquoi mais de connaître ce que cette liaison a engendré.
Il serait mentir que dire que Dérellion n'a pas profité des pouvoirs de sa femme au sein de la société, permettant ainsi d'éponger des dettes ou même de faire redorer son blason. Mais ce ne sont pas les raisons qui l'ont poussé dans les bras de la belle Sophia, simplement l'amour. Aussi naïf puisse paraître cette partie de l'histoire, elle n'en est pas moins vraie. Naïf, cependant, ne veux pas dire parfait car cet amour sera à l'aube d'une terrible tragédie. Mais pour l'heure, parlons avant tout des ouvertures dont Dérellion à bénéficier, avec l'appui de sa compagne. Nous vous l'avons dit, c'était un révolutionnaire. Mais en quoi ? Eh bien dans sa vision de l'humanité. Lui ne voyait que le bon côté, était sans doute assez sot pour croire que ceux d'en bas pouvaient remonter plus haut et que ceux du haut, pouvaient chuter plus bas. Cette barrière, cette frontière, il voulait la voir disparaître, il voulait l'accès facile à la médecine pour les plus démunies, que la technologie robotique ne soit plus un tabou,soit elle aussi plus accessible. Il voulait tout changer, tout amélioré, n'en déplaise à ceux qui voyaient là, un pauvre idiot aux idéaux dégoulinant d'optimisme. Le pire, c'était qu'il y avait toujours quelqu'un pour l'écouter, pour lui sourire, pour valider. Il donnait de l'espoir, il était authentique, prêt à gravir les échelons pour arriver jusqu'aux archontes, pour se mêler à eux et y faire le tri, le ménage. Et c'est lors d'un meeting qui aurait pu tout changer, qu'il apprit le prix du pouvoir et surtout, que les mots autant que les idées, mènent bien souvent à la perdition.
Alors même que sa femme portait leur enfant, leur descendance, lui fut abattu comme un vulgaire pantin de chair. Un acte d'une rare violence qui fit des dégâts même sur ceux présent lors d'un meeting. Et tout fut filmé, en direct, aux yeux de tout Europa. Un message très clair en provenant des mafias, ou des gangs, ou peu importe ceux qui portèrent le chapeau. Ne comptait que la carcasse sanguinolente d'un homme aux morceaux éparpillé dans une assemblée traumatisée. Ainsi s'éteint le rêve d'une vie et d'un avenir meilleur, dans les hurlements et l'angoisse, laissant une épouse dans la souffrance, sur le point de donner naissance. Vint au monde Dyvan, petite patricienne qui détenait en elle, le génome d'un père idéaliste et celui d'une mère aussi puissante que terrifiante. Son enfance fut à l'image de Sophia, de son pouvoir, de sa raison d'exister. Mère et fille, unies et seules contre le reste du monde. Dyvan savait que son père était mort, quand, où est seulement dans les grandes lignes. On fit en sorte qu'elle n'en sache pas plus, tout comme le reste du monde ne devrait en rien savoir pour éviter que d'autres idiots du genre de Dérellion ne viennent à prendre sa place. Alors c'est ici que se terminent les bases d'une vie minable, celle d'une fille aux poches pleines mais au cœur vide.
Le reste de l'histoire s'ouvre sur l'image d'une jeune femme trop intelligente pour son âge, sans doute trop curieuse et sans doute aussi parce qu'on l'avait voulu ainsi. Pas moins de dix années d'études dans le campus universitaire d'Excellentis. On imagine aisément les priorités de Dyvan, alors livré à elle-même avec pour seule repère sa mère occupée à ses besognes. Des erreurs de jeunesse qui auraient pu lui coûter cher, à elle ou même aux Wagner. Mais finalement, elle s'en sortit presque trop facilement en s'adressant au frère de son père (ce duo à l'origine même des endettements des Welch) Vladirmir, tout aussi orgueilleux et terrifiant que pouvait l'être Sophia dans ses pires moments. Surnommé le dragon, Vlad était surtout connu pour ses bavures mais aussi pour sa malice, toujours a traîner non loin des mafias, avec des amis toujours très bien placés. C'est grâce à lui que Dyvan pu effacer des archives, le pire moment de sa vie. Vous savez, quand on est seule, quand l'on ne sait pas réellement quoi faire de sa vie et que la frustration vous plonge dans le pire désarroi qui puisse n'exister, c'est là, qu'on en vient à faire de grosse bêtise. S'envoyer en l'air pendant des mois avec un professeur du campus qui n'était ni plus ni moins que le père de sa seule amie de l'époque et réaliser qu'on en revient avec un polichinelle dans le tiroir, c'est dur. Cela aurait signé la fin de tout, de ses études, de sa réputation, de celle de sa mère. Et que serait-il advenu de cet enfant ? Un parjure illégal ? Envoyé chez les spectres ? Non, il en était tout simplement hors de question. Alors dans un acte désespéré, Dyvan fit appel à Vlad qui la confia aux bons soins d'un ami à lui, comme il l'avait mentionné. Ce fut rapide, sans douleur, ne laissant aucune trace. Et surtout, plus aucune vie. L'enfant fut arraché à son utérus en un rien et Dyvan retourna aussitôt sur les bancs de l'école. Pas prête à être mère, pas dans ces conditions, certes... Mais malgré elle, un fort sentiment de regret, on ne porte pas un enfant dans son ventre sans en éprouver les sentiments qui vont avec. Certes, l'avortement fut une nécessité mais jamais Dyvan ne put se défaire de sa culpabilité. L'enfant jamais venue au monde, laissa un vide plus grand encore que Dérellion.
La page fut tournée, mais pas oubliée. Dyvan s'enfonça dans le travail, une véritable acharnée et revint victorieuse avec un doctorat prestigieux. Sans même réellement le savoir, elle avait pris la même direction que son défunt paternel mais à un degré nettement plus agressif. Là, il n'était plus question de diplomatie car pour Dyvan, la technologie, c'était l'avenir. Pour elle, la réponse était là, sous les yeux des hommes. La robotique, la nanotechnologie, tout ce qui pouvait améliorer et même sauver des vies ! Tout ce qui semblait laid et insupportable aux yeux de ceux qui vivaient dans les hautes sphères de Pax-Europa et que l'on réservait de ce fait, aux militaires. Fascinée et cherchant toujours à s'améliorer, sa sortie de l'université n'en fut pas moins couronné de succès lorsqu'elle fut embauchée par la société qui avait permi à tout son être d'exister.
Cher président de Bayer AG, je vous prie d'accepter ce C.V, en toute modestie, pour vous remercier de ma beauté et a réussite sociale.
Dyvan Wagner-Welch.
Ironique non ? Un tel toupet, un tel orgueil est ce cynisme puant... Cela a fonctionné, pourtant. Oui, il faut croire que ce petit bout de femme à peine diplômé avait su charmer une industrie puissante avec la lettre de motivation la plus courte et la plus biaisée de l'histoire. Elle resta deux ans dans l'industrie Bayer, y travailla d'arrache-pied jusqu'à apprendre tout ce qu'elle put et combler ses lacunes. Si ces deux années furent un plaisir autant qu'une réussite, Dyvan réalisa très vite, qu'il lui en fallait toujours plus. Avec regret elle quitta Bayer AG pour tourner son attention vers un objectif plus sensible, un emploie bien moins envié. Il faut croire que son culot n'avait pas de limite, c'est pourquoi notre demoiselle se tourna vers Nakao Electronic qui furent là encore, visiblement ravie de ses compétences et prêt à tout pour pousser la recherche toujours plus loin. Retaper des militaires, faire des spectres de vraies machines de guerre ? Qu'à cela ne tienne, un tel projet, c'est forcément pour Dyvan Welch, quitte à repousser les limites de l'éthique sans pour autant remettre en question les lois de la robotique. Voilà donc à quoi se résume son quotidien depuis trois ans, loin lui semble être les bancs de l'université, les histoires sordides dans lesquelles elle s'était empêtré. Maintenant, il ne s'agit plus de la fille de Dérellion Welch ou même de Madame Sophia Wagner mais du docteur Dyvan Welch, connue et reconnue pour son insupportable caractère et son addiction sans borgne pour le boulot. Oh, et n'oubliez pas, baissez donc les yeux quand vous la croiserez dans son laboratoire, c'est toujours préférable.